Coûts cachés de l’alimentation ?
On met les pieds dans l’plat !

Le Green Deal Cantines Durables, initié par la Wallonie en 2019, a fêté ses 5 ans ce mercredi 7 février 2024 à Namur. A cette occasion, plus de 150 acteur.rice.s se sont réunis autour de la question des coûts cachés de l’alimentation. En effet, la dynamique des cantines durables fait partie des solutions pour transformer nos modèles de production et de consommation actuels en modèles plus vertueux. Expérimenté depuis deux ans avec plus de 200 cantines, un coup de pouce financier permet de relocaliser les assiettes tout en garantissant des prix justes : accessibles pour les usagers des cantines et rémunérateurs pour les producteurs locaux qui les fournissent.

Découvrez à travers cet article d’information les grands moments de la journée.

Une ouverture articulée autour des 5 bougies du Green Deal Cantines Durables

Cinq ans plus tôt, début janvier 2019, le coup d’envoi du Green Deal Cantines Durables était lancé, accueillant dans la dynamique une quarantaine de collectivités. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 351 d’entre elles qui ont marqué leur volonté d’aller vers une alimentation durable : une mobilisation d’ampleur rendue possible grâce au soutien de la Wallonie, de ses autorités et de son administration avec l’appui de la Direction du Développement durable du SPW.

Pour fêter ces 5 années d’existence et introduire la journée, nous avons souhaité mettre en avant 5 fiertés qui illustrent le travail mené à travers le Green Deal Cantines Durables.

Une communauté forte de profils variés !

Au-delà des cantines, de nombreux.ses. acteur.rice.s gravitent autour du projet et facilitent la transition : au total le projet mobilise plus de 500 acteur.rice.s dont une dizaine de cuisines centrales et services de restauration, une vingtaine de communes/CPAS/provinces du territoire et plus de 80 acteur.rice.s de l’approvisionnement.

Ensemble, ces personnes forment la communauté Green Deal : une communauté riche de ses profils variés permettant de nombreux échanges et l’émergence de bonnes pratiques au bénéfice de tou.te.s.

Merci à vous pour cette incroyable aventure pour laquelle vous avez répondu présent !

Une reconnaissance des efforts consentis

Un an plus jeune que le Green Deal, le Label Cantines Durables avait vu le jour le 7 février 2020, à la veille d’une période particulièrement difficile pour les cantines, la pandémie de covid-19.

Malgré ce début freiné, ce ne sont pas moins de 41 cantines qui ont d’ores et déjà obtenu leur label sur les deux premiers niveaux. Une croissance exponentielle, d’autant que les perspectives nous laissent penser qu’en 2024 plus d’une centaine de cantines rejoindront le banc des cantines labellisées, et notamment au niveau 3.

Des chiffres encourageants qui démontrent l’engouement de la restauration collective pour la dynamique.

Voué à évoluer, la Label Cantines Durables sera prochainement accessible aux cantines qui proposent des repas à emporter type sandwichs/salades/pâtes.

Des débouchés pour nos filières de production

Le 2e objectif du Green Deal Cantines Durables est la relocalisation des assiettes. Grâce au coup de pouce « du local dans l’assiette » dont bénéficient plus de 200 cantines, c’est plus de 600 acteurs de l’approvisionnement qui sont impactés positivement par le projet. En effet, le coup de pouce permet aux cantines de rééquilibrer l’équation, via une intervention financière plafonnée à 0,5€/repas. Ce budget supplémentaire, ouvre les portes à l’approvisionnement local, permet des prix rémunérateurs pour nos producteurs mais aussi un prix qui reste accessible pour les convives des cantines.

Un combat pour faciliter l’accès aux marchés publics

Pour plus de résilience, la Cellule Manger Demain soutient l’exception alimentaire : une dynamique qui vise à faciliter l’approvisionnement local des cantines soumises aux marchés publics.

Pour ce faire, nous nous sommes associés avec une série d’acteurs européens en faveur d’un cadre rénové de la commande publique : un levier considérable pour une souveraineté alimentaire à l’échelle des territoires. Approvisionner les cantines constitue une opportunité de débouché pérenne et rémunérateur dont il est essentiel de faciliter l’accès aux producteurs locaux.

Un accompagnement humain fondamental

Derrière le succès du Green Deal Cantines Durables, c’est avant tout une équipe qui vous accompagne au jour le jour, dans votre parcours. C’est une équipe qui est à vos côtés, dans vos réussites mais aussi pour vous aider à surmonter les obstacles et vous remotiver dans vos moments de doutes. C’est aussi la preuve que l’humain et fondamental dans l’accompagnement au changement.

Nous avons encore du pain sur la planche !

En effet, il existe environ 5.000 cantines en Wallonie : il y a donc encore du chemin à parcourir pour atteindre l’objectif d’une restauration collective 100% durable.

La Direction du Développement Durable a lancé une évaluation du Green Deal Cantines Durables qui se clôturera en juin de cette année. Nous espérons qu’à la suite des résultats de cette étude, la restauration collective continuera à être soutenue par la Wallonie. Nous souhaiterions évidemment que cette action soit inscrite dans un financement à plus long terme afin de réellement peser sur ce secteur clé de la transition alimentaire.

« La valorisation des circuits courts et une relocalisation de notre alimentation restent une solution solide pour assurer une rétribution plus juste de celles et ceux qui nous nourrissent (…) Le Green Deal Cantines Durables est donc une des mesures importantes qui peut les soutenir en ce sens » « Il s’agit d’investissement importants mais c’est aussi un pari pour l’avenir car il est essentiel de toujours garder à l’esprit que derrière les prix alimentaires se cachent aussi des coûts souvent négligés »

En révisant leurs menus et leur approvisionnement, en sensibilisant leurs convives, en réduisant leur gaspillage alimentaire et leurs déchets, ces cantines sont devenues de véritables ambassadrices de la transition alimentaire ! Toutes nos félicitations aux 29 cantines des jurys de juin, novembre et décembre 2023 qui ont reçu leur Label ce mercredi 7 février 2024.

Depuis de nombreuses années, la transition de notre système alimentaire est citée comme un enjeu majeur pour garantir notre souveraineté alimentaire. C’est un sujet qui a été porté par les agriculteurs en colère début 2024. Une de leurs revendications : pouvoir vivre décemment de leur passion !

Nous sommes malheureusement loin du compte, et ce, à de multiples points de vue. En effet, selon le rapport annuel 2023 de la FAO, les externalités qui découlent de notre système actuel ne seraient encore que trop peu considérées pour mener des politiques alimentaires efficaces et régénératives.

Ces externalités, c’est ce qu’on appelle les coûts cachés : il peut par exemple s’agir de l’exploitation des ressources naturelles (diminution des ressources en eaux, appauvrissement des terres), d’impacts environnementaux (émissions d’azote et de gaz à effet de serre, perte de biodiversité, pollution des eaux et des sols…), d’impacts sur la santé (maladies non-transmissibles liées aux comportements alimentaires) ou encore d’impacts sociaux (pauvreté, sous-alimentation, malnutrition et, comme mentionné ci-dessus, la fragilisation économique du monde agricole). Selon la FAO, ces coûts se chiffreraient à plus de 12.000 milliards de dollars par an soit plus de 10% du PIB mondial.

Si le consommateur devait payer le coût de ces externalités négatives, il faudrait en moyenne doubler voire tripler l’addition !

Damien Conaré, de l’Institut Agro-Montpellier (Chaire UNESCO Alimentations du monde) a débuté la 2e partie de l’événement en présentant les coûts cachés : de quoi s’agit-il ? En quoi concernent-ils la restauration collective et quelles solutions peuvent émerger ?

Comme vous pourrez le découvrir en vidéo, selon lui, le rapport de la FAO est le reflet du caractère crucial de ce sujet : il souligne la « non durabilité » de nos systèmes alimentaires. Ces conclusions sont édifiantes : 12 700 Milliards de dollars de coûts cachés. Ce rapport s’intéresse au coût véritable de notre alimentation, non seulement au niveau économique, mais également au niveau de la santé et de l’environnement. Les rapports parus dernièrement sont unanimes : la transition écologique est une question centrale pour éviter ces coûts cachés. Les cantines ont un rôle important à jouer. D’ailleurs, en France, la loi EGAlim a été mise en œuvre pour inciter les collectivités à ce que 50% de leurs produits soient durables d’ici 2022. Une étude a démontré que cette mise en œuvre se traduisait par une augmentation de 4% des coûts comptables. Néanmoins, des leviers comme l’instauration d’un repas végétarien par semaine ou la lutte contre le gaspillage alimentaire aident à compenser ce coût et donc, à faire des économies. Damien Conaré donne un exemple assez parlant à ce sujet : une cantine à Montpellier a commencé à servir du pain bio. Il était plus coûteux sur le papier, mais cela avait été doublement compensé par la lutte contre le gaspillage. L’enjeu est donc de trouver un juste prix qui soit rémunérateur pour les producteurs, tout en restant accessibles. Cela suppose des choix politiques forts.

Laurence Doughan, représentante du SPF Santé Publique, nous explique que les coûts cachés liés à la santé se repèrent au niveau fédéral par les dépenses publiques liées à une mauvaise alimentation. Elle met l’accent sur le fait qu’il s’agit là d’une attitude curative, alors qu’il faudrait privilégier, à la place, une attitude préventive. Pour cela, il est essentiel que les autorités politiques mettent en place un cadre adéquat pour lutter contre les coûts cachés de l’alimentation. Ce cadre doit s’appliquer notamment au niveau des écoles. A cette fin, la Fédération Wallonie Bruxelles a proposé un modèle de Cahier de Charges à utiliser pour les marchés publics de l’alimentation scolaire. Le plan gratuité de l’alimentation scolaire est un engagement politique fort afin de soutenir les cantines durables. Le SPF travaille également sur le Nutri-score au niveau fédéral et européen. Le but du Nutri-score est de donner une indication sur la qualité nutritionnelle d’un produit au/à la consommateur.rice. Enfin, Laurence Doughan a également abordé la question de la lutte contre la publicité pour la junkfood, bien que cela peut être plus complexe à mettre en place.

Ensuite, Benoît de Waegener, représentant de l’ONG Humundi, a parlé de la difficulté à quantifier tous ces coûts cachés. Le rapport de la FAO a été analysé par Humundi. Cette analyse explique qu’on ne peut pas seulement quantifier les coûts cachés de façon économique, puisqu’il y a des choses qui n’ont pas de prix, comme une espèce qui disparait ou un enfant ayant des problèmes de développement dus à la malnutrition. En réalité, l’impact des coûts cachés pourrait être deux à trois fois plus élevé que ce qui est quantifié en termes d’argent. Humundi a aussi soutenu au Burkina Faso un projet pour agir contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire en milieu rural : le réseau « Grenier de sécurité alimentaire », magasins communautaires qui fournissent des aliments à bas prix aux habitants.

Claire Dénos, chercheuse à l’ULB (SONYA), nous parle de la situation en Belgique. Elle a constaté que les environnements alimentaires qui nous entourent conditionnent les possibilités de choisir son alimentation, ce qui joue un rôle dans notre régime alimentaire. C’est pourquoi le rôle de la restauration collective est important afin de proposer une autre manière de s’alimenter : plus durable et équilibrée. Elle remarque également que l’émission carbone en Belgique est deux fois plus élevée que les recommandations du GIEC. Un meilleur équilibre entre protéines animales et protéines végétales pourrait permettre de diminuer l’impact environnemental belge.

Enfin, Celia Burgaz Andres, également chercheuse à l’ULB, a fait des recherches quant aux programmes de sensibilisation en restauration scolaire. Ceux-ci sont essentiels pour lutter contre les problèmes de surpoids ou de sous-nutrition, et pour sensibiliser sur l’alimentation ultra-transformée. Ces programmes doivent être maintenus sur la durée afin d’avoir des effets sur le long terme.

Benoît de Waegener, représentant de l’ONG Humundi

Laurence Doughan, représentante du SPF Santé Publique

Claire Dénos, chercheuse à l’ULB (SONYA)

Celia Burgaz Andres, chercheuse à l’ULB (SONYA)

Entre nos deux panels, nous avons accueilli la pièce de théâtre « Les actrices de la résilience » proposée par Arsenic 2 : un interlude culturel et interpellant poussant les participants à se reconnecter à leur alimentation et à la valeur qu’ils y accordent.

Merci aux deux comédiennes pour leur prestation : Elodie Vandenplas et Sarah Blion.

La journée s’est terminée avec trois interventions : Anne-Catherine Dalcq (Fédération des Jeunes Agriculteurs), Eloise Tuerlinckx (Forum des Jeunes) et Davide Arcadipane (IsoSL).

Nous avons fait un parallèle avec l’exposé de Damien Conaré, qui expliquait qu’en France, les éleveurs étaient perdants dans l’augmentation du prix du lait. Cela fait écho avec la réalité d’Anne-Catherine Dalcq, qui est en train de reprendre l’activité de ses parents. Nous avons discuté avec elle de la campagne les dindonsdelafarce.be, menée par la FJA, qui dénonce la mauvaise répartition de la marge bénéficiaire. Selon elle, la concurrence au niveau mondial, la diminution du budget de la PAC et les normes environnementales supplémentaires tirent les revenus des agriculteurs vers le bas. Il faut mieux répartir les prix, mais qui devra payer pour ça ?

Ensuite, nous avons abordé avec Eloise Tuerlinckx un avis qu’avait publié le Forum des Jeunes, « Vouloir n’est pas pouvoir ». Cet avis est basé sur une enquête réalisée auprès des jeunes en Fédération Wallonie Bruxelles de seize à trente ans. Cette enquête a démontré une évolution des mentalités des jeunes, qui souhaitent de plus en plus s’engager vers une meilleure alimentation. Cependant, ils déplorent une insatisfaction vis-à-vis de l’offre alimentaire, le manque de soutien et de développement des circuits courts et la montée des prix pour une alimentation de meilleure qualité.

Malgré une évolution des mentalités, Eloise Tuerlinckx a également pointé du doigt un certain manque d’information des jeunes, notamment au sujet de la saisonnalité et de la compréhension de ce qui se cache derrière le label bio.

Pour terminer cette intervention, Davide Arcadipane est revenu sur l’engagement d’IsosL à fournir des repas 100% durables pour fin 2024. Cette stratégie a été développée suite au vote d’une motion par le collège de la Ville de Liège en 2018 visant à limiter la distance parcourue par les aliments achetés ente les producteurs et les consommateurs et bannissant les perturbateurs endocriniens dans l’alimentation. La dégradation des régimes alimentaires a des conséquences importantes sur la santé, donc proposer une offre plus durable, locale et équilibrée est un enjeu majeur pour les collectivités. Cette transition s’opère sur la politique d’achat, où il y a tout un travail pour adopter une stratégie d’achat cohérente avec les valeurs de l’alimentation durable. Une aide financière aux collectivités, telle que le coup de pouce « du local dans l’assiette » et une stratégie de sensibilisation à l’alimentation durable et au gaspillage alimentaire vont également de pair pour opérer une relocalisation. Ce travail est mené avec les équipes de cuisine en coopération avec les écoles.

Anne-Catherine Dalcq, Fédération des Jeunes Agriculteurs

Davide Arcadipane, IsoSL

Eloise Tuerlinckx, Forum des Jeunes

Pour finir cette matinée sur un moment plus informel permettant l’échange entre acteur.rice.s, un lunch ainsi qu’un verre de l’amitié étaient proposés, en collaboration avec le traiteur Tasiaux. Plus tôt dans la matinée, nous avions eu la chance d’avoir une présentation du repas et des engagements pris par le traiteur Tasiaux en termes d’alimentation durable. Un régal !

Manger Demain