Politiques nationales au service de la transition des cantines :
L’exemple inspirant du « Plan National de l’Alimentation Scolaire » au Brésil

Quelles politiques publiques peuvent être mises en place pour accompagner la transition du système alimentaire ? Les réponses à cette question sont multiples, tout comme les stratégies politiques pour promouvoir une alimentation plus durable. Pour impacter un système, ces réponses peuvent et doivent être apportées à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons besoin de politiques de soutien à l’émergence d’une agriculture plus durable, mais nous avons également besoin de créer et de soutenir une demande pour les produits issus de cette agriculture durable.

Encourager la consommation de produits issus de l’agriculture locale et durable au sein des cantines de collectivités peut être un des moyens d’encourager cette demande.

Alors, que se passe-t-il quand des politiques publiques sont mises en place pour permettre aux cantines de s’approvisionner différemment ? C’est la question que se sont posée l’ANA (Articulation Nationale de l’Agroécologie) et le FBSSAN (Forum Brésilien de Souveraineté et Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle), au Brésil. A travers la mise en place d’un projet de recherche-action, ces deux structures ont cherché à évaluer l’impact du PNAE, le Programme National d’Alimentation Scolaire, qui soutient financièrement l’acquisition d’aliments issus de l’agriculture familiale (entre autres) dans les cantines scolaires.

Etude "Comida de Verdade nas Escolas do campo e da cicade"

Publiée en novembre 2023, l’étude intitulée « Comida de Verdade nas Escolas do campo e da cidade »[1] a été réalisée avec les objectifs suivants :

  • Analyser comment les expériences d’acquisition d’aliments issus de l’agriculture familiale (et/ou de l’agroécologie) pour l’alimentation scolaire peuvent stimuler le développement de l’agroécologie, de processus organisés et d’actions de sensibilisation sur les territoires concernés
  • Promouvoir des actions en réseau afin d’amplifier et de renforcer en qualité l’insertion d’aliments issus de l’agriculture familiale dans l’alimentation scolaire.

 

[1] Qui peut se traduire de la façon suivante : « Vraie nourriture dans les écoles rurales et urbaines ». 

Programme National d’Alimentation Scolaire

Inspirées par l’exemple brésilien, nous avons souhaités partager, via cet article, les avancées permises par la mise en place de politiques publiques ambitieuses, telles que le PNAE.

Le « Programa Nacional de Alimentação Escolar » (Programme National d’Alimentation Scolaire) dont il est question dans l’étude existe depuis 2009 et garantit l’octroi de ressources financières aux structures de l’enseignement public par le gouvernement fédéral brésilien. Ce programme a le double objectif de soutenir l’agriculture familiale et de garantir la sécurité alimentaire des populations précaires. Via ce programme de financement, les écoles publiques (de la maternelle au supérieur) bénéficient automatiquement d’un montant calculé sur base du nombre d’élèves scolarisés et de leur âge, afin de fournir gratuitement des repas à la cantine.[1]

En contrepartie de l’argent reçu, il est demandé aux collectivités que minimum 30% des ressources financières soient allouées à l’agriculture familiale. Afin de faciliter l’acquisition de ces produits par les acteur.rice.s public.que.s, le gouvernement brésilien a mis en place des dispositifs de soutien à l’agriculture familiale, illustrant une volonté politique de garantir son maintien et son développement dans le pays.

Ces dispositifs sont gérés par le PRONAF (Programme National de Renforcement de l’Agriculture Familiale), un programme fédéral ayant l’objectif de permettre l’insertion de petit.e.s et moyen.ne.s producteur.rice.s sur le marché et d’augmenter leur capacité de production[2]. Ainsi, le gouvernement brésilien, à travers le PRONAF, a élaboré une définition officielle de l’agriculture familiale, donnant aux expoitant.e.s concerné.e.s la possibilité d’obtenir un DAP (déclaration d’aptitude au PRONAF) qui leur garantit un accès prioritaire aux marchés publics. Afin de faciliter la commercialisation de produits biologiques par l’agriculture familiale, le Brésil a également mis en place une reconnaissance légale des OCS (organisations de contrôle social), qui permettent, sous certaines conditions, de vendre des produits considérés biologiques sans recourir à la labellisation. Ce système est l’équivalent des Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) – des organisations citoyennes qui garantissent au.à la mangeur.euse une certaine qualité de produit (par exemple, biologique) via le contrôle social, sans nécessité de recourir à un label officiel. Les OCS, tout comme les SPG, sont des solutions innovantes pour palier la charge administrative et financière qu’entraîne souvent une labellisation.

En 2019, 10 ans après les débuts du PNAE, l’ANA et le FBSSAN se sont demandé si le programme avait eu un impact sur le système alimentaire, et particulièrement sur l’agriculture familiale. Pour répondre à cette question, les deux structures ont mené une recherche-action auprès de neuf territoires brésiliens.

Les résultats de l’étude montrent que l’accès continu au marché de l’alimentation scolaire (durant plusieurs années et sans interruption) a contribué à renforcer la dynamique organisationnelle de l’agriculture familiale[3]. Ces partenariats entre agriculture familiale et structures publiques ont également permis une diversification de la production et une augmentation de la capacité des groupements locaux d’agriculteur.rice.s familiaux à transformer les aliments, deux éléments qui peuvent contribuer à rendre un système agro-alimentaire plus résilient. Enfin, le travail réalisé montre que le renforcement de la demande via les collectivités a stimulé la création de groupes OCS (organisations de contrôle social) garantissant, via le contrôle social, une alimentation biologique aux mangeur.euse.s.

L’exemple brésilien illustre bien la manière dont une combinaison de politiques publiques peut impacter en profondeur un système alimentaire et renforcer des dynamiques vertueuses en place. Ici, la reconnaissance officielle de l’agriculture familiale combinée à des aides financières continues sur le long terme pour les cantines scolaires a permis de consolider des collaborations et de donner de nouvelles perspectives à l’agriculture familiale, montrant ainsi un bel exemple de complémentarité entre des politiques de soutien à l’offre et à la demande pour des produits plus durables.

 

 

[1] Belik, W. & Chaim, N. A. (2009). Programa nacional de alimentação escolar e a gestão municipal: eficiência administrativa, controle social e desenvolvimento local. Revista de Nutrição, 22, 595-607

[2] Roux, B. (2015). Des solutions rurales pour le XXIe siècle : les politiques publiques en faveur de l’agriculture familiale au Brésil. Annales des Mines – Responsabilité et Environnement, 79, 56-60

[3] ANA et FBSSAN. (2023). Comida de verdade nas escolas do campo e da cidade,  apprendizados de pesquisa-ação em nove territórios brazileiros. https://fbssan.org.br/wp-content/uploads/2023/11/Comida-de-Verdade-nas-Escolas-do-Campo-e-da-Cidade-WEB.pdf

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